De l’Hôpital Couple-Enfant (HCE) à l’Hôpital Couples-Femmes-Enfants (HCFE) ?

Une évolution nécessaire liée à la loi bioéthique

En 2008, le CHU de Grenoble a décidé de créer un Hôpital Couple-Enfant réunissant tous les services de Gynécologie-Obstétrique et de Pédiatrie et les diverses spécialités avec lesquelles ces deux disciplines sont amenées à collaborer régulièrement (génétique, radiologie, chirurgie pédiatrique et psychiatrie sont parmi les plus fréquemment sollicitées…).

Il est de fait que toutes ces disciplines sont, à des degrés divers, contributives au développement de pratiques parfois novatrices au niveau mondial (voir Livre Guinness des Records 1990 – 1ère grossesse obtenue chez une femme sans ovaires), et que leur réunion en un site unique, en améliorant leur efficacité, contribue à cette réputation d’excellence qu’a acquise le CHUGA développée dans le libre Grenoble Métropole Santé. le contenu de cet Hôpital spécialisé ne suscite aucune remarque : la qualité de ce qui s’y pratique a été jugée excellente par l’HAS.

C’est plutôt l’appellation d’Hôpital Couple- Enfant qui pose problème. Elle a été le résultat d’un choix politique proposé par la Biologie de la Reproduction et accepté par la Pédiatrie sans que l’avis de la Gynécologie-Obstétrique, non représentée dans les instances décisionnelles n’ait été sollicité.

Le Pr Racinet avait pris une retraite anticipée en 1998, son successeur (Pr Pons) venu de Paris avait des soucis d’intégration, le Pr Bernard – d’ailleurs retraité en 2002 – dirigeant un Service de Gynécologie pure n’avait pas été consulté et le Pr Schaal était arrivé trop tardivement pour avoir pu influencer un choix déjà acquis.

Le CHUGA semble s’enorgueillir d’une telle appellation, qui serait unique en France, et donc serait l’indice d’une vision innovante. Cette appellation avait cependant dès le début fait l’objet de critiques justifiées de la part de diverses association de défense et de promotion du droit des femmes, bien développées sur le site du CHUGA, mais délibérément rejetées sans débat participatif, mettant à mal le principe de démocratie sanitaire imposé par la loi Kouchner (4 mars 2002).

En effet, si l’appellation Enfant ne souffre aucune discussion sauf à omettre la diversité des états pédiatriques allant du nouveau-né à l’adolescent quasi adulte, l’appellation Couple parait critiquable car elle est restrictive et ambiguë :

  • restrictive, car le terme « couple », dans son acception médicale, est essentiellement impliqué dan la reproduction et ignore tous les domaines variés et importants hors-reproduction concernant les aspects médico-sociaux et pathologiques survenant à tous les âges de la femme, ce qui aurait dû conduire à prendre en compte cette pluralité des problèmes féminins.
  • ambiguë, car la notion de couple a récemment évolué sur le plan sociétal voire législatif. Traditionnellement le couple est l’union, légitime ou non, d’un homme et d’une femme dont l’un des buts est de se reproduire… mais l’évidence de cette tradition hétérosexuelle a été récemment contestée et probablement de façon irréversible. En outre, des femmes « seules » peuvent accéder à la maternité par le don anonyme de sperme (mais souvent utilisent une méthode plus naturelle, anonyme ou non).
    Le couple est encore très majoritairement hétérosexuel, mais les variantes homosexuelles tant masculines que féminines ont maintenant également accès aux possibilités de reproduction par l’intermédiaire des multiples facettes technologiques de l’aide à la Procréation Médicalement Assistés (PMS). Ceci implique une prise en charge pluridisciplinaire très différenciée de ces couples qui souhaitent obtenir leur propre enfant (ne fut-ce que par la participation biologique d’un seul membre du couple fournisseur de gamète, voire l’intervention – encore illégale en France mais pour combien de temps ? – d’une mère porteuse. Sans entrer plus avant dans les divers problèmes suscités par cette diversité, il est évident qu’il n’y a pas un couple mais des couples, dont certains initialement inaptes peuvent parfois bénéficier des avancées de la PMA pour avoir un enfant.

Mais in fine ce qui est incontestable, c’est que c’est toujours une femme qui porte l’enfant et qui le met au monde, reléguant souvent le procréateur au rôle de « prince consort » à défaut de celui de père (voire de mère !)… Le rôle de mère est le dénominateur commun à (presque) toutes ces variétés de couples, et sa mise en avant permettrait une prise en charge dénuée de toute restriction de nature philosophique ou éthique quant aux modalités d’obtention de la grossesse. Mais le terme « Femmes » parait meilleur car il inclut évidemment le terme de Mère spécifique à sa fonction de reproduction mais aussi le contingent important des femmes de tous âges prises en charge en dehors de la Maternité…

En définitive, si l’on veut trouver un « chapeau » plus conforme au contenu de la « marmite », il faudrait prendre en compte toutes les variables développées ci-dessus. on a bien compris que la place de la femme étant fondamentales dans sa fonction de mère qu’en dehors de cette fonction, elle doit absolument apparaître ès qualité… et que le couple impliqué directement ou indirectement dans la reproduction étant multiforme doit être reconnu comme tel… Ce qui amène à proposer le « chapeau » d’Hôpital Couples-Femmes-Enfants. L’introduction du pluriel pour les trois composantes du « chapeau » vise donc essentiellement à souligner la multiplicité des variantes de la PMA parfois nécessaire dans la procréation et de celle des diverses étapes chronologiques de la femme et de l’enfant exposant chacune à une approche spécifique.

Ainsi le CHUGA pourra justifier à juste titre de son caractère innovant et transparent en nommant précisément ce qu’il fait, alors que l’ensemble des autres CHU en France adopte encore l’appellation restrictive d’Hôpital Mère-Enfant, appellation qui mériterait un toilettage compte tenu des évolutions sociétales.

Pr (Hre) Claude RACINET
Ancien Chef du service de Gynécologie-Obstétrique du CHUGA