La médiastinoscopie

Une endoscopie chirurgicale développée à Grenoble en 1963. Témoignage de Roger Sarrazin collecté en 2000.

Le 23 août 1963 eut lieu la première médiascopie à Grenoble dans le service du professeur Joseph Barrié à Canel (ancien hôpital civil de La Tronche, pavillon détruit).

 » Un an auparavant, nous quittions le Thoraxcliniken du Karolinska Sjukuset de Stockholm où nous avions vu Éric Carlens pratiquer une curieuse intervention endoscopique à pénétration sus-sternale pour résection par fragmentation d’un thymus hyperplasique. Pas convaincus ! Robert Voog explorant la bibliographie rapporte un article d’Éric Carlens, de 1959, consacré à la médiastinoscopie, endoscopie chirurgicale à visée diagnostique voir thérapeutique. L’argument principal concerné le cancer bronchique et son extension ganglionnaire.

Convaincus cette fois, nous nous mettons en devoir d’étudier l’anatomie axiale du médiastin, d’obtenir le matériel et de nous entraîner à la technique sur le cadavre, facile à l’époque. Il suffisait d’être au caveau à 7 heures du matin et de participer – à notre manière- aux autopsies. Le médiastin exploré, emporté au laboratoire anatomie est fixé, disséqué, coupé, photographié…Il montre ce que l’on doit voir, à quel endroit ce que l’on peut faire ce que l’on ne doit pas faire. Et on individualise le plan anatomique directeur du geste; la gaine propre de la trachée.

Et puis il faut convaincre nos patrons :  Monsieur Calas et enthousiaste, monsieur Barrié accepte le geste, les pneumologues sont intéressés. Les anesthésistes ont la courtoisie de quitter la tête du malade après intubation et de patienter au bout d’un bras. Et les anatomopathologiste s’habituent au minuscule prélèvements anthracotiques  et écrasés et à la discipline topographie que nous exigeons.

1, 2, 3, 10 médiastinoscopie puis d’autres… C’est intéressant, diagnostiquer un cancer bronchique à bronchoscopie négative est formidable…Mais c’est un diagnostic d’envahissement médiastinal et l’intervention chirurgicale serait  une agression probablement inutile. Dans les années 60, 40 % des thoracotomies à vocation curative sont simplement exploratrices. La survie de ces patients ne dépasse pas 8 mois, la découverte de ganglions médiastinaux métastatiques conduit à s’abstenir, et envisager une autre thérapeutique. Avec la diffusion de la médiastinoscopie, le taux des thoracotomies exploratrices va s’effondrer, et 30 ans plus tard et voisine 4 %! En dehors du cancer bronchique et de la sarcoïdose, les indications sont élargies : tumeurs médiastinales, adénopathie sans origine décelée, images médiastinales non évocatrices… ; Les voies de pénétration de cheminement du tube se multiplient, les sites d’intervention également.

Les patients ne viennent pas tous de notre CHU ; ils viennent de la région et même plus loin. Des chirurgiens viennent apprendre la technique du Japon d’abord, d’Italie, d’Allemagne, du Vietnam puis de France. C’est tout le CHU qu’ils en profite, dans sa réputation mais aussi dans son évolution sociologique scientifique.

La médiastinoscopie a réglé beaucoup de problèmes mais a soulevé aussi beaucoup de questions, sujets de recherche pour les jeunes et les moins jeunes,  médecins radiologues,  anatomopathologistes, cytologistes… description des lymphatiques du poumon, de leur drainage, structures conjonctives du médiastin, drainage médiastinal de lésions malignes cervicales ou sous diaphragmatiques, etc.

La mort du professeur Voog en 1973 à changé l’ambiance mais l’élan était donné et la méthode et ses dérivés bien installées.

Plus de 2000 médiastinoscopies ont été réalisées au cours des 30 premières années avec une mortalité  à zéro et une morbidité à 0,3 %. Certes, l’imagerie moderne à supprime un certain nombre d’indications, mais ne s’est-elle pas développée à Grenoble avec les mêmes méthodes et motivations.

La médiastinoscopie est une endoscopie chirurgicale, qui grâce à un tube porte lumière, permet l’exploration visuelle des tissus médiastinaux conduisant à des prélèvements étagés sous contrôle de la vue. Sur le schéma le tube est devant la bifurcation trachéale.

Texte rédigé par le Pr Roger Sarrazin en 2000.