L’Hôpital des Sablons, un élément saillant du paysage grenoblois

A la fin des années cinquante, l’accroissement de l’agglomération grenobloise rend criante l’insuffisante capacité hospitalière [1]. Quarante ans après la construction de l’ensemble pavillonnaire, inauguré en 1913 sur la commune de La Tronche, la municipalité grenobloise projette la construction d’un nouvel établissement hospitalier [2]. En attendant que ce projet soit validé par les pouvoirs publics, quelques services hospitaliers sont réorganisés avec la construction entre 1955 et 1962 des pavillons Calmette-Guérin (actuel SAMU), de la neurologie et du pavillon Dominique Villars.

En 1966, la publication du Ve plan offre à la municipalité grenobloise la possibilité d’envisager concrètement son projet avec :

  • la construction à La Tronche de la première tranche d’un hôpital afin d’augmenter la capacité hospitalière de 1 460 lits,
  • et la première tranche d’un nouvel hôpital à Echirolles. En effet, l’octroi à la ville de Grenoble des jeux Olympique va accélérer la construction de l’Hôpital Sud.

En 1966, Henri Daudignon directeur du centre hospitalier accompagné d’une délégation de la Commission administrative fait un voyage d’études aux Etats-Unis et visitent plusieurs hôpitaux universitaires américains dont celui de Boston construit sur le modèle architectural d’hôpital-bloc [3]. En effet, depuis les années trente, les progrès dans la construction avec l’utilisation du béton armé, les progrès de l’hygiène et des techniques médicales rendent caduc le système pavillonnaire. Les ascenseurs permettent de desservir les bâtiments de grande hauteur.

En janvier 1967, Hubert Dubedout, maire de Grenoble, présente le projet à la presse. Il s’agit de déplacer les services de l’hôpital pavillonnaire dans un nouvel ensemble de 200 mètres de long et de 60 mètres de haut. En avril 1967, l’avant-projet reçoit un accord de principe du Ministère [4]. Les travaux débutent en 1969 dans un méandre de l’Isère, à l’emplacement de l’ancien stade universitaire sur un terrain de 5 ha au lieu-dit « Les Sablons ». La première pierre est posée par le Préfet de l’Isère, Louis Verger et le maire de Grenoble Hubert Dubedout en juin 1969.

Ce projet architectural confié à Henry Bernard (1912-1994) associé à Louis Lacroix doit doter Grenoble d’un établissement moderne [5] permettant de traiter les malades dans des conditions de confort hôtelier et de sécurité d’un niveau comparable à celles des meilleurs établissements de France et de l’étranger [6].

Paul Cadet, nouvellement directeur [7] conduit l’ouverture de la première tranche le 22 novembre 1972. Sur 9 niveaux, les locaux regroupent les services généraux, des services medico-techniques, des services d’hospitalisation (350 lits) et des laboratoires qui emménagent progressivement : le laboratoire de Cytologie, le laboratoire d’anatomo-pathologie, la microscopie électronique en mars 1973, la stérilisation centrale en avril 1973, la radiothérapie en janvier 1974.

Cette nouvelle conception contraint les hospitaliers à de nombreux changements dans l’organisation du travail et inquiètent à tous les niveaux. Ainsi, l’intégration des services de radiologie et des laboratoires d’analyse obligent un grand nombre d’ambulances et de brancardages, entre les anciens pavillons qui continuent de fonctionner mais qui sont souvent mal anticipées. Chacun a conscience du grand bouleversement qui s’opère, qui nécessite une période d’adaptation et qui exige une attention particulière dans les relations humaines [8]. Désormais les liaisons ne sont plus horizontales mais verticales. Si la plupart des difficultés techniques sont surmontées, tous s’accordent cependant sur l’insuffisance du personnel [9]. Un mouvement social marque l’été 1973. Parmi les revendications, celui-ci revendique des journées de travail continues, la comptabilisation de la pause repas dans la journée, la revalorisation des salaires et des tenues adaptées…. L’hôpital est comparé à l’usine : « Usine de soins », « L’Hôpital, c’est l’usine ».

La seconde tranche de 15 niveaux rend l’hôpital totalement opérationnel à la fin de l’année 1974. L’ensemble constitue un bâtiment compact de 200 m de long, qui culmine à une hauteur maximale de 80 mètres. Entre ses murs, sont réunis une vingtaine de services médicaux et chirurgicaux formant « l’équipement hospitalier le plus moderne de France ». Les services de chirurgie générale, de chirurgie générale et infantile, de chirurgie cardiaque, la cardiologie, la gastro-entérologie s’installent enfin. Les brancards disparaissent car les lits sont désormais équipés de roulettes.

Le centre hospitalier régional de Grenoble, est l’un des premiers établissements équipés du Dostam, système permettant de résumer le dossier médical du malade. Avec l’acquisition dans les années quatre-vingt d’un matériel biomédical de plus en plus performant (radiothérapie, scanner, IRM…), il est le centre hospitalier de référence pour la région. En septembre 1987, à la mémoire du docteur Albert Michallon, une plaque commémorative est apposée dans le hall d’entrée (aujourd’hui hall Chartreuse) et l’hôpital des Sablons devient officiellement l’Hôpital Michallon.

Témoin d’un modèle de l’architecture hospitalière, c’est à ce titre qu’il mérite d’être aujourd’hui rénové. Depuis 2005, un programme de mise en sécurité et de rénovation est en cours pour permettre à cet établissement de répondre à toutes les exigences de sécurité. Cependant, les difficultés de mises en conformité et des contraintes sécuritaires restent nombreuses et contraignantes pour cet établissement de grande hauteur et un nouveau projet est actuellement en cours d’élaboration porté par le conseil de surveillance sous la direction de Monique Sorrentino.

Bibliographie

  • L’Hôpital évolutions et mutations 1850-2009, Musée grenoblois des sciences médicales 2009.
  • L’Hôpital des Sablons, in Techniques hospitalières, mars 1974 article de J. Ponthieu.
  • Rapport de Paul Cadet directeur, rédigé le 30 janvier 1974.
  • Dossier de presse regroupant différents articles parus dans la presse locale. Musée grenoblois des Sciences médicales

1 Le nombre d’entrée des malades progresse rapidement : 14 000 en 1950 ; 27 444 en 1960 et 23 305 en 1961

2 Le 28 février 1957, classement de l’Hôpital de Grenoble en Centre Hospitalier Régional.

3 Luc Bournot,L’investissement hospitalier, in L’Hôpital, évolutions et mutations, 1850-2009. Grenoble 2009

4 Idem.

5. Par la loi du 31 décembre 1970, la France opte pour une régionalisation hospitalière intégrale. Des centres hospitaliers Régionaux (CHR)de hautes technicités sont institués dans les capitales régionales.

6 L’Hospitalier de Grenoble, n° 11, avril 1972

7 En juillet 1972, il remplace Henri Daudignon à la tête du centre hospitalier

8 Rapport du directeur . Mr Cadet. 30 avril 1974

9 Le Pr J. Bonnet-Eymard, président de la commission Consultative » écrit dans l’édito du journal de l’hôpital. L’animation, au sens étymologique : (donner sens à la vie) sera une chose plus difficile,. Il ne faut pas se dissimuler : passer de l’Hôpital pavillonnaire à un grand ensemble monolithique, entraînera des changements profonds dans les habitudes, un mode de travail différent, nécessitera une adaptation qui ne se fera pas du jour au lendemain, exigera une attention particulière dans les relations humaines, car le malade lui ne changera pas…. in L’Hospitalier de Grenoble, bulletin de liaison du personnel du centre hospitalier régional de Grenoble, n° 10 – 1972.